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lundi 30 août 2010

Lecture sur rails

Chuck, de son nom de rue, vit non loin de là dans un abri sous le tunnel ferroviaire d'Amtrak. Selon ses souvenirs, il vit dans ce tunnel depuis plus de 9 ans.




© Andrea Star Reese. 2008 Urban Cave #15. New York. Lecture sur rails.

Cette photo appartient à un reportage sur New York intitulé "The Urban Cave", amorcé en 2007. "Ses étonnants clichés montrent des campements de fortune, sous un pont ou le long d'un tunnel de métro désaffecté, où (sur)vivent, entre violence et misère, des hommes et des femmes malgré les efforts de la municipalité pour les expulser".

"À 58 ans, Andrea Star Reese est une jeune photographe, raconte Jean-François Leroy, directeur de Visa. Elle a commencé il y a peu et son univers était plus orienté vers la danse, la mode et la vidéo que vers le photojournalisme. Elle a photographié ces sans-abri avec une lumière incroyable qui leur offre, leur redonne une dignité..." Ces marginaux deviennent, sous l'objectif d'Andrea Star Reese, des êtres auréolés d'une lueur iconique, quasi divine. Un beau travail. (le Point.fr)

L'exposition The Urban Cave est présentée 28 août au 12 septembre à Perpignan, dans le cadre du Festival de photojournalisme Visa pour l'Image, au Couvent des Minimes, rue François-Rabelais, Perpignan. (Tous les jours de 10 heures à 20 heures. Entrée gratuite.)

D'autres photo sur le site The Urban cave.

jeudi 26 août 2010

La liseuse nue

"La liseuse" (vers 1880/90) de Jean Jacques Henner (1829-1905)



© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
huile sur toile, 0.940 m. x 1.230 m.
legs Alfred Chauchard au Louvre,1909

vendredi 20 août 2010

Les "délicieux voyages" de Louis Lambert



A l'âge de douze ans, son imagination, stimulée par le perpétuel exercice de ses facultés, s'était développée au point de lui permettre d'avoir des notions si exactes sur les choses qu'il percevait par la lecture seulement, que l'image imprimée dans son âme n'en eût pas été plus vive s'il les avait réellement vues ; soit qu'il procédât par analogie, soit qu'il fût doué d'une espèce de seconde vue par laquelle il embrassait la nature.

En lisant le récit de la bataille d'Austerlitz, me dit-il un jour, j'en ai vu tous les incidents. Les volées de canon, les cris des combattants retentissaient à mes oreilles et m'agitaient les entrailles ; je sentais la poudre, j'entendais le bruit des chevaux et la voix des hommes ; j'admirais la plaine où se heurtaient des nations armées, comme si j'eusse été sur la hauteur du Santon. Ce spectacle me semblait effrayant comme une page de l'Apocalypse.

Quand il employait ainsi toutes ses forces dans une lecture, il perdait en quelque sorte la conscience de sa vie physique, et n'existait plus que par le jeu tout-puissant de ses organes intérieurs dont la portée s'était démesurément étendue : il laissait, suivant son expression, l'espace derrière lui.


Mais qu'il est difficile de choisir un court extrait parmi toutes les très belles pages consacrées à la lecture !

Balzac, Histoire intellectuelle de Louis Lambert, [1832], 1836.
Texte à télécharger ici ou ici.

lundi 16 août 2010

Au milieu de livres éparpillés sur le trottoir...

Un passant face à un lot de livres éparpillés sur le trottoir ("Papers and Books Thrown Away"), lecteur saisi sur le vif par Kertész dans une rue de New York, en 1974.










© Estate of André Kertész, RMN
Série reproduite dans André kertész, the pleasure of reading, Trans Photographic Press, 1998, et exposée à la Stephen Bulger Gallery, "On reading", du 7 février au 7 mars 2009.

jeudi 12 août 2010

Les premières lectrices du Genji (Mumyô zôshi)

Petit texte anonyme de la fin du XIIe siècle, aussi charmant qu'intéressant, le Mumyô zoshi présente, sous la forme d'une conversation enjouée entre femmes de lettres, un ouvrage de critique littéraire, consacré pour une bonne moitié au fameux roman de Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji.


Il a été traduit du japonais par René Sieffert sous le titre D'une lectrice du Genji, Publications Orientalistes de France, 1994.

Illustration : Estampe de Utagawa Kuniyoshi (1835-1900, tirée de la Serie : Genji kumo ukiyo-e awase, Ukiyo-e comparison of the cloudy chapters of Genji
Dit du Genji, chap. 5 "Jeune grémil" (Waka murasaki, 若紫, わかむらさき).
Date : 1845/46.

mercredi 11 août 2010

Anatomie d'un bibliomane

"The central idea [...] that reading can be an art and the reader an artist, is implicit in all my work"
Holbrook Jackson, The Reading of Books, Preface.


Photo d'Alvin Langdon Coburn, 1913.

Portrait de Georges Holbrook Jackson (1874-1948), auteur de The reading of Books, (1946), et du célèbre Anatomia of Bibliomania, (1930), que l'on peut lire et télécharger ici, et qui a curieusement disparu sur les sites de la World Public Library, et d'Internet Archive.

Alberto Manguel, l'"Historien" de la lecture


Alberto Manguel, qui dans sa jeunesse fit la lecture à Borges devenu aveugle, auteur de l'incontournable Histoire de la lecture, Actes Sud, 1998.




Source : "Photo Gallery", sur le site de l'auteur.

A lire, un beau texte d'Alberto Manguel sur la manière de choisir l’ouvrage le mieux à même d’accompagner chaque circonstance de la vie : "Un livre pour chaque saison" (Le Monde Diplomatique.fr).

mardi 10 août 2010

Lire dans les ruines, Londres, 1940

Une photo archiconnue, vue et revue, mais toujours aussi fascinante...



© English Heritage, NMR
La bibliothèque de Holland House, au lendemain d'un raid sur Londres, septembre 1940.

jeudi 5 août 2010

Fonctionnaire coréen



Collection Lee U-Fan
© Musée Guimet, Paris, Dist. RMN / Thierry Ollivier
Corée du Sud, 19e siècle, dynastie Yi ou Choson (1392-1910)
Encre de couleur, peinture sur soie ; 1.020 m. x 0.690 m.

mercredi 4 août 2010

Fonctionnaire dans sa bibliothèque


Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1963
Photo d'André Kertész
© RMN, collection du Centre Pompidou.

mardi 3 août 2010

Jane Eyre, dans l'embrasure d'une fenêtre



Portrait de Charlotte Brönte, Peinture de Evert A. Duyckinck, basée sur un dessin de George Richmond, (source : wikipedia).


Une petite salle à manger ouvrait sur le salon ; je m'y glissai. Il s’y trouvait une bibliothèque ; j'eus bientôt pris possession d'un livre, faisant attention à le choisir orné de gravures. Je me plaçai dans l'embrasure de la fenêtre, ramenant mes pieds sous moi à la manière des Turcs, et, ayant tiré le rideau de damas rouge, je me trouvai enfermée dans une double retraite. Les larges plis de la draperie écarlate me cachaient tout ce qui se trouvait à ma droite ; à ma gauche, un panneau en vitres me protégeait, mais ne me séparait pas d'un triste jour de novembre. De temps à autre, en retournant les feuillets de mon livre, j'étudiais l'aspect de cette soirée d'hiver. Au loin, on voyait une pâle ligne de brouillards et de nuages, plus près un feuillage mouillé, des bosquets battus par l'orage, et enfin une pluie incessante que repoussaient en mugissant de longues et lamentables bouffées de vent.

Je revenais alors à mon livre. C'était l'histoire des oiseaux de l’Angleterre par Be[r]wick (1). En général, je m’inquiétais assez peu du texte ; pourtant il y avait là quelques pages servant d'introduction, que je ne pouvais passer malgré mon jeune âge. Elles traitaient de ces repaires des oiseaux de mer, de ces promontoires, de ces rochers solitaires habités par eux seuls, de ces côtes de Norvège parsemées d'îles depuis leur extrémité sud jusqu'au cap le plus au nord, « où l'Océan septentrional bouillonne en vastes tourbillons autour de l'île aride et mélancolique de Thull, et où la mer Atlantique se précipite au milieu des Hébrides orageuses. »

Je ne pouvais pas non plus passer sans la remarquer la description de ces pâles rivages de la Sibérie, du Spitzberg, de la Nouvelle-Zemble, de l'Islande, de la verte Finlande ! J'étais saisie à la pensée de cette solitude de la zone arctique, de ces immenses régions abandonnées, de ces réservoirs de glace, où des champs de neiges accumulées pendant des hivers de bien des siècles entassent montagnes sur montagnes pour entourer le pôle, et y concentrent toutes les rigueurs du froid le plus intense.

Je m'étais formé une idée à moi de ces royaumes blêmes comme la mort, idée vague, ainsi que le sont toutes les choses à moitié comprises qui flottent confusément dans la tête des enfants ; mais ce que je me figurais m'impressionnait étrangement. Dans cette introduction, le texte, s'accordant avec les gravures, donnait un sens au rocher isolé au milieu d'une mer houleuse, au navire brisé et jeté sur une côte déserte, aux pâles et froids rayons de la lune qui, brillant à travers une ligne de nuées, venaient éclaircir un naufrage.

Chaque gravure me disait une histoire, mystérieuse souvent pour mon intelligence inculte et pour mes sensations imparfaites, mais toujours profondément intéressante [...].

Ayant ainsi Be[r]wick sur mes genoux, j'étais heureuse, du moins heureuse à ma manière ; je ne craignais qu'une interruption, et elle ne tarda pas à arriver. La porte de la salle à manger fut vivement ouverte.


Charlotte Brönte, Jane Eyre, Chap. I, trad. de Mme Lesbazeilles Souvestre, édition Ebook libres et gratuits.
Texte en anglais ici ou ici.

1) Thomas Bewick (et non Berwick), A History of British Birds, vol. II, History and Description of Water Birds, Memorial Edition, London, 1885, que l'on peut feuilleter ici.

lundi 2 août 2010

Alfred Tennyson


© RMN, photo de Julia Margareth Cameron.

Le poète Alfred Tennyson, illustration de son recueil Idylles du roi et autres poèmes.

dimanche 1 août 2010

Proust lecteur

Extrait de Sur la lecture, la préface que Marcel Proust écrivit en 1905 pour sa traduction de Sésame et les Lys de John Ruskin.



Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons passés avec un livre préféré. Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin : le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l'abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux sur la page ou à changer de place, les provisions du goûter qu'on nous avait fait emporter et que nous laissions à coté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis que, au-dessus de notre tête, le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et où nous ne pensions qu'à monter finir, tout de site après, le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre que l'importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux (tellement plus précieux à notre jugement actuel, que ce que nous lisions alors avec tant d'amour), que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l'espoir de voir reflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus.

Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances, qu’on allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile.


Versions papiers toujours disponibles. Versions numériques (gratuites, merci à François Bon !) chez Publie.net, sous le titre Journées de lectures, et sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec.